Avons écumé toutes les terres / Vendangé toutes les illusions

Sans l'avoir prévu par temps clair / Sur Beau Rivage nous échouerons


Dominique A.


La mer comme une préface / Avant le désert


Michel Polnareff. 


Vous regarderez ce que vous voyez. Mais vous le regarderez absolument. Vous essaierez de regarder jusqu’à l’extinction de votre regard, jusqu’à son propre aveuglement et à travers celui-ci vous devrez essayer encore de regarder. Jusqu’à la fin.

Vous me demandez : regarder quoi ?
Je dis, eh bien, je dis la mer, oui, ce mot, devant vous, ces murs devant la mer, ces disparitions successives, ce chien, ce littoral, cet oiseau sous le vent atlantique.


Marguerite Duras, L’homme atlantique.


J'ai grandi près d'un littoral, mes souvenirs d'enfance et d'adolescence sont souvent des souvenirs de rivages. Des rivages partagés mais aussi des rivages désolés - j'étais un enfant très seul et j'ai vite associé ces rives, bords, grèves, ports, plages, berges, bas-champs, polders à une mélancolie très singulière et très douce faite d'attente, d'ennui, de contemplation.

Quand on est seul, on a le temps de regarder.

Puis j'ai voulu oublier ces paysages. Pendant longtemps j'ai été occupé à vivre - vivre et oublier c'est la même chose - j'avais soif d'autres lieux, d'autres espaces. Je pensais, très naïvement, qu'on peut faire table rase, recommencer. Revivre.

L'âge venant, après les épreuves, les ruptures, seul à nouveau, je suis retourné vers les rivages. Vers la mer - diraient les analystes aux pieds de bronze, usant et abusant d'une homophonie très française. C'était - et j'écris cela pour leur faire plaisir - comme retrouver un foyer trop longtemps délaissé, un regard un peu oublié, mon jeune et vieux regard d'enfant seul. Cette délicate vacuité du seul regard. Et puis l'attente aussi. Et l'ennui.


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