Depuis longtemps, je suis fasciné par le roman de G. Rodenbach, Bruges- la-Morte

Un homme a perdu la femme qu'il aime, emportée par la maladie.

Inconsolable, il s'est retiré à Bruges.

Dans l'atmosphère muette des eaux et des rues inanimées, Hugues avait moins senti la souffrance de son coeur. Il avait pensé plus doucement à la morte. Il l'avait mieux revue, mieux entendue ; retrouvant au fil des canaux son visage d'Ophélie en allée, écoutant sa voix dans la chanson grêle et lointaine des carillons.

Un soir, par hasard, il croise une femme qui est l'exact sosie de son amour disparu. 

Le roman de Rodenbach est conçu comme une spirale descendante, comme un vortex qui s'enroule autour de ce thème du double. D'ailleurs, indirectement, il influencera Alfred Hitchcock quand celui-ci, avec l'aide d'Alec Coppel et de Samuel A. Taylor, concevra le scénario de Vertigo.

Tant dans le roman que dans le film, il est question de robes, de vêtements. 

Hugues Viane (chez Rodenbach) ou Scottie (chez Hitchcock) obligent tous deux la femme vivante à porter la défroque de la morte. Dans les deux cas, c'est une scène d'une grande violence symbolique : il s'agit d'assujettir un être à un souvenir, à un fantasme, de lui assigner l'identité d'un fantôme.

C'est d'après ce canevas que cette courte série d'images s'est élaborée. Je voulais me concentrer sur le personnage féminin, lui redonner son autonomie, par delà le sujet même du roman. 

Nina, une amie, a accepté d'endosser le rôle. Non sans mal car, souffrant de fibromyalgie, elle ne supporte pas le contact de certains tissus sur sa peau. 

Hasard, nécessité, ce handicap était en fait un atout : il était hors de question pour elle de revêtir des effets qui n'auraient pas été les siens.

Je souhaitais aussi que l'eau dormante, l'eau mélancolique et fermée soit un des motifs de cette petite suite. Gaston Bachelard écrit d'ailleurs qu'on peut interpréter Bruges-la-Morte comme l'ophélisation d'une ville entière.  

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